« Nous avons des rêves, nous avons des espoirs. Nous sommes plus que des rebelles. Nous sommes plus que de simples cibles ». C’est l’appel lancé, dans le film « Les enfants de Gaza - Sur les vagues de la liberté (How Kids Roll) », par une petite habitante de la bande de Gaza qui résonne aujourd’hui comme une affirmation, mais aussi comme un avertissement aux adultes. Le film, réalisé par Loris Lai, nominé au David di Donatello 2025 pour le meilleur premier film, véhicule un message fort de responsabilité et d’espérance, lancé par les plus jeunes qui, dans leur innocence et leur pureté, refusent de devenir des ennemis les uns des autres. Au contraire, ils cherchent la possibilité d’un futur à vivre à travers l’amitié. Un appel à la fraternité, donc, qui découle de l’exemple des protagonistes, Mahmud, un enfant palestinien de Gaza, et Alon, un enfant israélien vivant dans une colonie. Leur lien a dépassé le cadre du tournage, comme en ont témoigné les interprètes eux-mêmes, présents à la projection du film, jeudi 25 septembre, à la Cinémathèque du Vatican.
Dans le film, qui se déroule dans la bande de Gaza en 2003, au moment de la deuxième intifada (ndlr- qui signifie soulèvement" et désigne les deux révoltes contre l’occupation israélienne en Cisjordanie et à Gaza), les deux protagonistes sont unis par leur passion pour le surf, qui leur permet de trouver un terrain d’entente, malgré les difficultés et le climat de haine réciproque dans lequel ils sont contraints de vivre. Dans le même temps, les armes continuent de tuer et la spirale de la violence ne s’arrête pas. La vie est rythmée par des jeux constamment interrompus par les sirènes qui annoncent le danger des bombardements. Dans ce climat d’hostilité, ce sont les enfants qui enseigneront aux adultes la valeur de la vie et la force de l’espoir. La musique du compositeur oscarisé Nicola Piovani accompagne le spectateur dans toutes les étapes émotionnelles de ce récit cinématographique, inspiré du roman pour enfants du même nom de Nicoletta Bortolotti.
Le regard des petits
« Les enfants, justement en raison de leur âge, représentent l’avenir, ils représentent ce qui pourrait s’améliorer à l’avenir. Entre la Palestine et Israël, la situation n’a jamais été facile : aujourd’hui plus que jamais, elle est terrible », explique le réalisateur Loris Lai. Dans ce contexte, les enfants sont ceux qui « montrent une troisième voie » : « C’est d’ailleurs ce dont parle l’enfant israélien dans le film, qui pose une question très simple à son père : "quand tout cela finira-t-il" Son père lui répond : "Peut-être quand eux n’existeront plus ou quand nous n’existerons plus" ». À ce moment-là, le petit se demande pourquoi il n’est pas possible d’envisager une troisième possibilité, celle de la coexistence entre les personnes. « Les deux enfants, parviennent, grâce au sport, une chose pure, à abattre ces barrières et à réduire cette différence qu’ils sont malheureusement contraints de vivre. Ils nous montrent la possibilité d’une alternative », poursuit-il. L’amitié racontée dans le film est une amitié qui s’est ensuite concrétisée dans la vie réelle, explique le réalisateur : « Au début, les deux étaient un peu distants, ils s’observaient, se regardaient, mais n’étaient pas ouverts à l’idée d’une amitié ». Après avoir partagé le plateau et une expérience humaine exceptionnelle en jouant pour la première fois dans un film, « ils ont réussi d’une certaine manière à se rapprocher ».
Pour un monde sans haine
« Il était très difficile de faire semblant de le détester », explique le petit Mikhael Fridel, interprète d’« Alon », en parlant d’une scène du film où il y a un moment de tension avec Mahmud, incarné par Marwan Hamdam. « À ce moment-là du tournage, on me tenait par les cheveux, il devait me lancer une pierre et nous devions faire semblant de nous détester et de nous disputer », poursuit-il. « Nous avons dû vraiment ressentir les émotions et vivre cette scène ». Mais dans l’ensemble, l’expérience a été entièrement positive. « Tous les moments ont été agréables, mais si je devais en choisir un, je dirais probablement celui où nous avons surfé et chevauché une vague ensemble au Cap-Vert ». Ce type de sport était une nouveauté, surtout pour Marwan, originaire d’un petit village palestinien non loin de Haïfa. « Jouer la comédie a été un peu difficile en réalité, mais aussi très amusant », observe le jeune interprète. « Il y a une scène dans le film où nous nous disputons. Cela a été très difficile parce que nous devions transmettre différentes émotions, beaucoup de colère, beaucoup de tristesse. Le texte était très long et l’anglais n’est pas ma langue maternelle. Mais finalement, nous avons réussi. Et nous sommes vraiment fiers de ce que nous avons accompli. Quand je repense aux bons moments de ce voyage, je repense à tout. Oui, j’ai tout aimé, j’ai aimé le voyage, j’ai même aimé les moments difficiles. En plus du théâtre, j’aimerais devenir pilote », déclare Marwan. Mikhael, qui vit à Londres avec sa famille originaire de Tel Aviv, a des projets d’avenir : « Je voudrais que tout le monde puisse être heureux, toujours, si cela était possible ». « Je l’espère aussi », renchéri Marwan.
Repartir de l’amour de la vie
À un moment où Gaza est à bout de souffle, à presque deux ans de guerre et après avoir été presque entièrement rasée par les raids israéliens, le message du film est plus que jamais d’actualité. « Dans la guerre, tout le monde souffre », observe Paolo Ruffini, préfet du dicastère pour la communication, qui a présenté la projection à la cinémathèque du Vatican. « C’est vrai, à la fin, il y a peut-être un vainqueur, mais qu’est-ce qu’un vainqueur ? Comment peut-on gagner la paix ? Comment peut-on encore espérer la paix ? Comment peut-on encore s’aimer les uns les autres ? Comment croire en une troisième possibilité entre la fausse idée que l’alternative est seulement celle entre notre mort et celle de l’autre ». Paolo Ruffini a ensuite rappelé les mots d’un célèbre poème de Giuseppe Ungaretti : « Dans mon silence, j’ai écrit des lettres pleines d’amour ; je n’ai jamais été aussi attaché à la vie ». « C’est de là que nous devons repartir, affirme le préfet. De l’amour pour la vie. Nous vivons une époque confuse et malheureuse. Et malheureuse précisément parce qu’incapable de compassion. Parce qu’elle a perdu le regard pur des enfants ». L’espoir doit être de retrouver ce regard et puis, avec cette graine d’espoir, de prier, « chacun selon sa foi, pour que cesse l’illusion de la guerre et revienne l’esprit de paix ».
Le message de fraternité
« La fraternité est le fondement de l’humanité et le message du Christ repose plus que jamais sur ce principe », commente Tarak Ben Ammar, producteur du film, aux côtés d’Elda Ferri. « Avec ce qui se passe au Proche-Orient, mais aussi en Ukraine », ce sont les enfants qui enseignent aux adultes. D’où la volonté d’« envoyer un message non pas politique, mais de paix ». Ainsi, l’histoire d’amitié qui s’est concrétisée dans la vie réelle « est la preuve que le cinéma crée la fraternité et envoie des messages de paix ». En cette période de « cessez-le-feu » sans cesse reporté, de menaces et de représailles, de carnages et de désespoir, « on se demande spontanément quand le monde entendra le cri des enfants de Gaza d’aujourd’hui. Pour reprendre les mots du petit "Alon" dans le film, la question la plus urgente est : quand tout cela prendra-t-il fin ? ».
Beatrice Guarrera et Andrea Moneta - Cité du Vatican